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Que t’est-il arrivé Charlie ?

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Hey Charlie, que t’est-il arrivé mon pauvre ami ? Un cadavre à plusieurs têtes et un corps en lambeaux, voilà ce que tu es devenu ce jour sinistre. Tu baignes dans ton sang Charlie. Comme un phœnix tu sembles renaître de tes cendres cependant, au nom de la libre pensée. Les euros tombent comme les larmes de la consolation avec ton nouveau numéro. Quel score de tirage ! T’as fait un vrai carton… sans vouloir tomber dans le mauvais humour. Pourtant Charlie, mort tu l’étais, à mes yeux, depuis longtemps déjà. Tu incarnais ces dernières années un avatar de la liberté d’expression des bobos en France. La seule qui vaille la peine d’être défendue pour nos journalistes chéris. Elle me paraît bien loin l’époque du truculent professeur Choron avec son mauvais goût et sa propension à choquer le bourgeois ! Ce temps est révolu d’ailleurs. Je ne t’achetais plus, ni mes proches amis non plus, même si je dois reconnaître que tu as eu du cran de défier les islamistes radicaux. Il n’empêche, Charlie, probablement plus personne ne fera de caricature du prophète et ton ultime pied de nez (« tout est pardonné »), qui n’a en rien apaisé les esprits, bien au contraire, signe, en fait, la victoire du terrorisme : qui risquera sa vie pour s’amuser à jouer au vilain garnement ?

 

Avec cet affreux carnage, Charlie, on a eu droit à l’émotion. A la fugace unanimité et aux invités émouvants sur les plateaux TV. Après l‘indignation, le grand frisson de la récupération !

 

Dis-moi Charlie, quelles leçons as-tu tiré de ce drame ? Et pour nos amis politiciens qu’en est-il ? Certes, une partie de la France a eu un sursaut, qui a vite sombré dans le pathos. Certes, le gouvernement se mobilise : il entend renforcer la surveillance et l’action policière. Une bonne chose, mais un peu tard. Il a même annoncé une action d’envergure à l’école, allant à la rescousse de la laïcité et de la citoyenneté. Plus de moyens, plus d’éducateurs, etc. On connaît la chanson… Comme si l’école pouvait solutionner tous nos maux. Tu vois Charlie, dans la vie, il n’y a pas plus difficile que la remise en question, pour les individus comme pour les sociétés. Une fois encore les événements le démontrent.

 

Tandis que les séismes des révolutions et contre révolutions secouent encore, et pour longtemps, une partie du monde arabo-musulman et que l’Islam, dans sa diversité, gronde sous les coups d’un conflit intérieur mondial entre le rigorisme rétrograde le plus dur (qui gagne du terrain) et les tentatives timides de modernisation religieuse, la France a décidé de continuer à suivre l’Otan. Elle paraît oublier les hésitations de sa politique étrangère et les erreurs passées. Pourtant, Charlie, Ben Laden n’était-il pas la créature Frankenstein de l’Occident (de l’Amérique tout particulièrement) ? Et les pays du Golf ne soutiennent-ils pas indirectement ceux qui nous frappent ? Quoique, peu importe, finalement, car nous ne pesons rien face aux pétro dollars et aux fonds souverains. Il vaut sans doute mieux garder nos meilleurs ennemis plutôt que se priver de leur manne financière. Quant à nos participations guerrières pour lutter contre le terrorisme, ne ressemblent-elles pas à de l’huile que l’on verse sur un feu plutôt qu’à de l’eau pour l’éteindre ? Le mal étant fait, puisque que le terrorisme et le radicalisme islamistes sont là, peut-être est-il préférable finalement de le combattre par les armes avant qu’il ne se répande davantage, en dépit des effets pervers de nos bombes. Difficile pour moi de répondre avec certitude sur ce point. Mais voilà des questions qui mériteraient d’être publiquement clarifiées.

 

Une autre question, Charlie, me brûle les lèvres : la liberté d’expression depuis ton agression est-elle mieux défendue ? Non, bien sûr, puisque les opinions qui dérangent n’ont toujours guère droit de cité. Toutes les opinions, même les pires, devraient pouvoir être discutées. La liberté d’expression, Charlie, va au-delà de tes caricatures. Or, comment ne pas donner le sentiment d’un deux poids deux mesures à une certaine jeunesse si l’incitation à la haine sert de prétexte à la censure ! Depuis des années, Charlie, cette façon de faire attise les chardons sur lesquels nous marchons.

 

Enfin, mon pauvre Charlie, quelle tragi-comédie de constater combien ce gouvernement de gauche doit se renier face à une réalité qui lui tombe dessus tel un coup de massue. Restaurer l’autorité à l’école, mettre en place des cours de laïcité et de citoyenneté (pourquoi pas d’instruction civique !), signaler les comportements des élèves manifestement hostiles à la République, soutenir (financièrement très probablement) les Imams dits modérés afin de construire sans le dire un « Islam de France », etc., autant de mesures envisagées par des gens plus à droite qui furent, il y a peu de temps encore, critiquées par une bonne partie des socialistes parisiens et de l’extrême gauche surtout. Tu vois Charlie, en vérité nombreux sont ceux que les réactions de certains lycéens ne surprirent guère. Il fallait être journaliste de gauche ou d’extrême gauche ou bien élu socialiste parisien, voire enseignant militant, pour découvrir ce que l’homme de la rue sait depuis dix ans déjà. Quant à la laïcité, on a beau jeu de la défendre aujourd’hui, sans vraiment la définir d’ailleurs (où sont les textes de loi et les discours politiques de 1905 !), alors que les gouvernements qui se sont succédé n’ont eu de cesse d’éluder le problème, par facilité ou par peur d’être taxés de racisme. Pourtant, Charlie, le retour du religieux, soit par le prosélytisme, soit par le biais démographique de l’immigration (puisque les immigrés arrivent avec leurs croyances), lance à une France sécularisée, voire tendanciellement anticléricale depuis 1789, un vrai défi sociologique. Comment un pays qui s’est ainsi bâti depuis deux siècles peut-il composer avec ce nouvel état de fait ? Jadis la Turquie et la Tunisie réussirent à soumettre la religiosité des pratiquants musulmans les plus zélés aux exigences du pouvoir politique. Il est vrai que ces deux pays le firent avec une poigne de fer qui mettrait mal à l’aise une démocratie occidentale moderne. Pour un agnostique tendance athée comme moi, la différence entre le « bon » Islam et le « mauvais » Islam s’avère aussi dénuée de sens que celle entre le « bon » et le « mauvais » Christianisme. Il y a la religion, voilà tout, avec ses multiples interprétations contradictoires. Et derrière elle que trouve-t-on ? Des hommes de pouvoir et des fidèles qui, pour bon nombre d’entre eux, ne connaissent qu’approximativement les textes sacrés et les rituels, s’impliquent plus ou moins, pratiquent avec ferveur ou par habitude et s’arrangent avec leurs croyances (lesquelles sont susceptibles d’évoluer dans le temps). Ainsi, Charlie, un « modéré » peut devenir plus pieux et plus radical si son environnement religieux et son histoire personnelle l’y entrainent (je ne veux pas dire qu’il tombera forcément dans le travers du terrorisme) ; de même qu’un radical peut, pour x ou y raison, prendre ses distances avec une pratique très stricte dans laquelle il s’est investi des années durant. En l’occurrence, la classe médiatico-politique ferme les yeux une fois encore en cherchant à créer des catégories qui n’existent que dans sa tête ou en reprenant le point de vue des croyants musulmans et leurs représentants qui, pour beaucoup, veulent se démarquer sincèrement des actes et des pratiques des terroristes islamistes. Le problème fondamental en France reste substantiellement celui de la limite que le pouvoir politique impose au religieux et non celui du « bon » Islam face au « mauvais » Islam ou bien encore celui de l’Islamophobie.

 

Et cette jeunesse, Charlie, qui n’aime guère la France ou rêve d’un combat ethnico-religieux qui donne un sens à sa vie, comme le firent jadis le communisme et l’anarchisme pour certains jeunes prolétaires et jeunes bourgeois, que doit-on en penser ? La « faute à » la pauvreté sans doute ? Plus compliqué, Charlie, plus compliqué… L’explication comme quoi la France ne fut pas assez accueillante pour les parents et s’avère discriminante pour les enfants me laisse sur ma faim. Il y a de cela, bien sûr. Mais il faut garder à l’esprit réalité subjective (ce que les gens ressentent voire prétextent) et réalité objective. Car la France, ce n’est pas seulement l’exploitation et le racisme, c’est aussi la maison construite au bled pour une famille qui n’aurait jamais eu les moyens sans les salaires métropolitains, la promotion sociale pour un ou deux des enfants de la fratrie, en dépit de l’échec absolu ou relatif des autres, la santé et l’éducation gratuites malgré les défaillances et les limites de l’Etat providence, la débrouillardise de certains qui s’appuient sur leur présence ici et leurs liens là-bas pour développer un Bisness rentable (la mondialisation ne dessert pas tout le monde, y compris en milieu populaire), etc.

 

Vois-tu Charlie, c’est tout cela qui a jailli des canons des fusils d’assaut made in Russie, tuant presque vingt personnes, et pas seulement le fanatisme politico-religieux. Car si une leçon doit être tirée de cette tuerie, c’est bien celle qui nous dit que le politiquement correct ne protège plus de rien.

 

 

*Merci à Max et à Randy pour la discussion enrichissante que j’ai eue avec chacun d’eux sur le sujet.

Les plans les mieux conçus des souris et des hommes…

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« Les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas », Robert Burns.

« Un mensonge peut tromper quelqu’un mais il te dit la vérité : tu es faible », Tom Wolfe.

Etait-ce un rêve ou bien une situation vécue ? J’éprouve quelque difficulté à le savoir. Parfois les expériences oniriques sont si fortes qu’elles se confondent avec les souvenirs et troublent jusqu’à la faculté de jugement de notre cerveau. Toujours est-il que je me revois bien, là, dans ce parc, un soir de lune à Paris, sous un ciel de papier buvard bleu, à peine troublé par les roucoulements et les bruissements d’ailes de quelques volatiles bien connus de nos cathédrales. Il n’y avait personne aux alentours. La senteur fraîche de la nuit et des herbes montaient en moi comme le désir chez un adolescent, tandis que j’abandonnais mon séant aux caprices de mes jambes, lesquelles paraissaient enchantées de déambuler à travers les allées sombres. C’est alors qu’il m’apparut. Un petit être blond, échevelé, qui griffonnait sur un papier. « Je suis le petit Prince égaré », qu’il me dit. « Dessine-moi un complot. » D’abord stupéfait, je décidai ensuite de m’approcher et de lui donner ce qu’il voulait en paroles plutôt que sous la forme d’un croquis. Il est des circonstances où les questions du genre : qui es-tu, d’où viens-tu, que fais-tu dans la vie, etc., paraissent superflues. Dans le vif du sujet il faut entrer. Et c’est ce que je fis…

« Le complot qui réussit parfaitement, dans le cours de l’Histoire ca relève de l’exception plus que de la règle générale ! », que je lui dis doctement. Comme je m’y attendais, il me demanda de développer. Je lui expliquai alors que la théorie du complot est une théorie facile, voire faible. Beaucoup de gens l’invoquent faute d’explication et parce que cela s’avère souvent très commode compte tenu des idées qu’ils défendent et des présupposés qu’ils ont en tête. Est-ce à dire que des complots, il n’y en a jamais ? Que nenni petit Prince égaré ! La vie politique et sociale croule sous les complots individuels… et parfois collectifs. Ils interfèrent, se télescopent, s’annihilent ou amplifient leurs conséquences, voire rendent ces dernières inattendues. Les complots inachevés, maladroits, bien pensés mais mal appliqués, soumis à des événements imprévus, etc., on n’en manque guère ! Ambitieux ou modestes, simples ou complexes, mais bien souvent contraints d’obéir à la loi de Murphy : celle de l’emmerdement maximum ou de la tartine beurrée ainsi que certains la nomment (quand tombe la tartine, il y a une chance sur deux qu’elle le fasse du côté beurré, ce qui s’avère problématique si l’on espère la récupérer pour la manger ensuite…).

Je ne pense guère faire partie des paranoïaques, ni des naïfs. L’absence de complot est, pour moi, tout autant improbable, que la théorie du complot me paraît généralement simpliste. Or, ces derniers temps, la théorie du complot sied bien à notre époque si agitée qui s’accélère comme on dévale une pente. On la brandit au moindre fait politique, faute de réel désir de comprendre. L’an dernier on en faisait, du côté des supporters de DSK, le rempart contre la chute de l’homme providentiel. Avec le recul, qu’en est-il ? Rien, sinon que l’ex prétendant à la Présidence de la République est actuellement embourbé dans une sombre affaire de proxénétisme. J’ai, désormais, une vision toute différente de celle des tenants du complot fomenté par la droite pour faire chuter le saint homme et de celle des défenseurs de la pauvre victime stigmatisée par le machisme ambiant. Elle vaut ce qu’elle vaut. Seules les années trancheront. Mais elle me paraît fort plausible d’après ce que j’ai pu glaner (articles et contre-articles, etc.). Après tout, au firmament de la connerie ambiante, mon point de vue ne brillera pas plus que celui des autres !

Selon moi, l’estimé socialo-économiste a simplement cédé à ses pulsions habituelles. Le bougre était si sûr qu’on l’attendrait au virage de la concupiscence qu’il avait même un jour anticipé devant des journalistes sympathisants un scénario où ses ennemis politiques lui jetteraient dans les bras – pour ne pas dire sur son précieux organe – une jeune femme. Faut-il qu’il soit rusé d’annoncer ainsi sa chute afin de continuer à s’adonner à ses penchants… Malheureusement pour lui, ses galipettes américaines se sont mal terminées. La femme de chambre n’a pas accepté le deal convenu, cela a mal tourné, elle voulait plus, etc., ou bien tout simplement elle lui a tendu un piège. Un homme à l’appétit sexuel dévorant s’avère, en réalité, une proie facile. Le prédateur n’est pas toujours celui qu’on croit. Le goût de l’argent chez les pauvres pousse parfois au cynisme, et ce d’autant que la bourgeoisie donne l’exemple… Or, avec la justice américaine, faut pas rire. Surtout qu’un personnage de cette trempe, ca aiguise beaucoup d’appétits. Le procureur ne s’y est pas trompé qui peut-être voulait, et pouvait à coup sûr, donner un coup de pouce à sa carrière déjà remplie. Las, la précipitation des services de police ou, qui sait, la volonté de certains cadres policiers de garder précieusement les informations compromettantes sur la victime, afin d’induire en erreur et de ridiculiser un procureur connu pour avoir tapé sur les flics dans un passé pas si lointain, a eu raison des plans et des ambitions probables de celui-ci. La suite on la connaît. Une affaire qui fait flop, mais dont DSK jamais ne se remettra vraiment. Pas grave, le visage de cette gauche là, désormais on sait à quoi il ressemble… En bref, une histoire à la Tom Wolfe, comme dans le Bûcher des vanités, une histoire où chacun complote de son côté et où les événements échappent à tout le monde au fil des rebondissements et des plans sitôt mis en œuvre, sitôt révisés. Une histoire de comploteurs qui perdent pour certains et gagnent sur toute la ligne ou en partie pour d’autres, par chance ou par opportunisme (ayant eu le flair d’agir au bon moment et de « pousser » dans le « bon » sens…).

Le petit Prince me fixait de ses yeux bleus profonds. Je ne savais pas ce qu’il attendait, mais je croyais le deviner. Dans ce genre de situation, je veux dire quand on est emporté par ses idées et sa verve, on a tendance à attribuer à l’interlocuteur des intentions qu’il n’a pas forcément. Du coup, je poursuivais sur un exemple plus récent, trop heureux de me dire en moi-même qu’il voulait en entendre davantage.

Dans la récente et terrible affaire Mohamed Merah, la tuerie de Toulouse, on parle aussi de complot. Sur le net, connu pour véhiculer le pire et le meilleur, certains restent persuadés que l’assassin est un agent manipulé par la droite ou le bouc émissaire de crimes perpétrés par des barbouzes pour faire monter les sondages favorables à Sarkozy (stratégie sécuritaire) et l’islamophobie. Mon Dieu, quelle tristesse intellectuelle, on trouve toujours les mêmes raccourcis, les mêmes raisonnements simplistes ! Si toutefois complot il y a, ce n’est, d’après moi, certainement pas celui auquel ces amateurs du Web pensent. Les services secrets du monde entier n’ont, en vérité, pas vraiment de scrupules, car pour eux la fin justifie les moyens. Peut-être ont-ils fait de ce jeune un agent double, un type appâté par l’argent facile qu’ils proposaient ou sur lequel des pressions ont été exercées. Ce paumé, à moitié voyou, probablement en manque de reconnaissance et en voie de radicalisation, confus dans sa tête, s’en serait donc allé au pays des Afghans pour espionner les Talibans. A son retour, le cerveau savonné par ses coreligionnaires, il n’aurait eu d’autre obsession que celle de se racheter une conduite auprès de ces derniers, qu’il devait initialement épier, et de se venger des autorités françaises, tel un chien fou se retournant contre son maitre. Un agent double, manipulé par les uns et les autres, mais qui finalement échappe et aux uns et aux autres. Qui sait ce que les services secrets français ont tenté de faire, à l’instar des Islamistes ? Qui sait, d’ailleurs, si d’autres services secrets (le Mossad, etc.) n’ont pas mis leur grain de sel avec pour résultat une cuisine explosive ? De-là à imaginer que la mort de Mohamed Merah arrange finalement  beaucoup de gens… pourquoi pas… Ce scénario ne me paraît pas plus absurde que les prétendues manigances d’une droite qui voudrait faire passer son candidat à n’importe quel prix. Bien au contraire, une affaire meurtrière de ce genre tombe très mal. Tôt ou tard, les choses finissent par se savoir, en partie au moins, et les rumeurs les plus folles alimentent des sentiments ambigus chez les futurs votants. Alors vois-tu petit Prince, comme l’écrivait le poète écossais Robert Burns : « Les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas ». Personnellement, j’ajouterais : « ils peuvent même avoir des effets non désirés ! »

Enfin, tout content que j’étais de ma prestation orale, je dis au petit Prince que de complot je ne parlerai plus, sinon contre l’intelligence. Car la théorie du complot, ca empêche de penser aux enjeux actuels de société, aux relations entre les classes sociales et aux luttes à venir.