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Au royaume des aveugles…

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Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois à ce qu’on dit. En vérité, il n’y en a guère, des borgnes, parmi nos chers commentateurs et nos chers « politiques ». En revanche, les aveugles…

Ils n’ont rien vu venir. Rien vu du tout ! Comme d’habitude. Désemparés à la présidentielle de 2002, persuadés que le oui à la Constitution européenne en 2005 avait une réelle chance de l’emporter, et, aujourd’hui encore, étonnés par le score de Montebourg et par la victoire écrasante de Hollande. En fait, non pas tant par la victoire elle-même, mais par l’écart de voix entre les finalistes.

Les pronostics ratés et la myopie, ca devient, chez certains, une habitude. Pas grave, puisque le ridicule n’est pas mortel. Au fond, ne pas prévoir est notre lot à tous, car la prescience n’existe pas, sinon dans la fiction. Il ne s’agit donc pas de cela. Non, nous voulons juste dénoncer le manque de bon sens politique et de lucidité parmi les soi-disant experts et politiciens de métier. A défaut de prévoir, ils auraient pu anticiper. En l’occurrence, la nuance, ici, n’a rien d’un luxe ou d’un effet de rhétorique.

Serait-ce un problème d’intellect chez ces faiseurs d’opinions et ces grands gestionnaires ? Certes pas. Il faut plutôt y voir une volonté de ne pas voir et un enfermement social et idéologique marqué. Car la primaire socialiste a révélé combien la cécité et la mauvaise foi étaient grandes. C’est à droite, tout d’abord, que la surprise fut de taille. Ce qui paraissait un gadget amusant au départ est rapidement devenu un objet inquiétant, voire une arme fatale et un sujet de déchirement au sein de l’UMP. Si maintenant il faut convier le peuple pour qu’il décide de qui doit postuler à la présidence de la République où va-t-on ! A quoi servent alors les jeux politiciens et les luttes de factions entre les militants aguerris et dociles ! Les réactions d’un Jean François Copé s’avèrent, par exemple, éloquentes. Le pauvre homme n’a plus envie de rire ou de sourire.  Le succès ne monte pas qu’à la tête des gagnants… Au PS aussi, d’ailleurs, on ne fut pas en reste. Et ce malgré un enthousiasme de façade. Dur-dur d’avoir sur les bras un bébé dont certains ne veulent plus… Car pour la gauche d’appareil quel camouflet ! L’ouverture à tout le monde c’est la grande inconnue. Le petit grain de sable qui fait crisser la mécanique politique habituelle. Marrant que cela dérange tous ces gens qui n’ont à la bouche que le mot de « démocratie » ; un terme qu’ils savent postillonner dès que l’occasion médiatique se présente…

Hollande sera-t-il, s’il gagne en 2012, un Président à la hauteur des enjeux de l’époque ? Il ne faut préjuger de rien. Il a d’ores et déjà montré qu’il était un rusé candidat. Quelle ironie que le représentant de la « gauche molle », selon Martine Aubry, ait battu à plate couture la femme d’appareil, celle qui reprochait, il n’y a pas si longtemps, à Montebourg d’avoir mis sur la sellette le « mafieux » Guérini à Marseille. Faut bien fermer les yeux sur les turpitudes de certains des édiles du PS, dès lors qu’ils apportent des voix…

Un ex secrétaire qui triomphe de l’actuelle secrétaire. Cela aussi, ca vaut son pesant d’or. On n’est pas loin de la tragédie théâtrale. L’homme Hollande, champion de la gauche provinciale, celle des petites villes et des villes moyennes, s’est imposé sans peine face à la représentante de la gauche parisienne (exception faîte de son fief lillois), de la gauche bobo/écolo, de la gauche féministe, de la gauche de son ami Delanoë. Une gauche parisienne qui méprisait Georges Frêche, le bouillant trublion du PS – dont les manières d’être et de faire s’avéraient, il est vrai, discutables, mais grand bâtisseur devant l’Eternel.  En bref, quel délice pour nous que tout cela ! Et quel message subliminal ! Que nos amis d’une certaine droite et d’une certaine gauche se réjouissent, nous allons le leur décoder. Histoire qu’ils ne se retrouvent pas à côté de la plaque, une fois encore. Ce qui ressort des résultats de cette primaire c’est bien la désaffection pour tout ce qui incarne la logique d’appareil habituelle surmédiatisée. Un exercice démocratique novateur, dans un contexte social qui se complique, attire le monde (bien qu’il faille relativiser : près de 3 millions de votants au 2ème tour constitue un vrai succès, mais non un raz-de-marée). Il n’y a pas de hasard. Ce coup d’éclat marque une certaine adhésion citoyenne à la politique, mais pas aux structures politiques consensuelles où tout est verrouillé.  Il révèle aussi l’aspiration à un changement dans le pays, que le Président Sarkozy n’a pas su provoquer. « T’as eu ta chance, mon pote ! », comme dirait l’autre. Pour le reste, on verra bien.