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Billet d’humeur: il faut sauver le soldat DSK !

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Un tremblement de terre est souvent suivi par un autre. Parfois moins important. Mais pas toujours. En mai 2011, on découvrait l’impensable pour les non initiés aux arcanes des rumeurs parisiennes : le soldat du FMI, le soldat du PS… et de l’UMP aussi – tant les clivages politiques et économiques réels entre les 2 parties sont ténus – tombait au front de la tragédie humaine. Une nouvelle victime sacrifiée sur le bûcher des vanités ! Hormis ceux qui, peut-être, se réjouissaient secrètement de son accusation de viol, parmi ses rivaux et ennemis politiques, ou ses affidés qui criaient au complot, la presse et la classe politique alternaient entre incrédulité, indignation face au traitement américain d’un de nos favoris à l’élection, prudence et compassion enfin vis-à-vis de la chute d’un homme.

Il y avait un réel embarras du côté de nos élites. DSK le sauveur espéré de la cure d’austérité à venir, héraut du FMI et futur héros attendu de la France, redresseur des torts du Sarkozysme, apparaissait alors comme la soudaine incarnation des turpitudes des hautes sphères. Une polémique déontologique éclata comme un orage. Alors que les média scrutaient la vie de Sarkozy – qui se verra délivrer en 2012 un probable congé parental sans solde – ils s’étaient montrés à l’évidence plus discrets sur les antécédents sexuels et la tendance au harcèlement du futur champion de la gauche et… d’une partie de la droite également. Après le mea culpa et les (auto)congratulations médiatiques habituels, la vie semblait finalement reprendre son cours. On lui avait même trouvé des remplaçants, au PS et au FMI, pour défendre les intérêts nationaux.

Seul le PS accusait réellement le coup. Il faut dire que le symbole était terrible. Le riche et vieil occidental de gauche, incarnation des progressismes de tout poil, sautant à la gorge d’une pauvre femme de ménage venue d’un pays du tiers monde… En outre, les féministes s’emparaient de l’affaire. Prudence (présomption d’innocence oblige), mais solidarité de condition avec la victime. « Nous sommes toutes des femmes de ménage ! », affirmaient haut et fort des bourgeoises et petites bourgeoises qui se sentaient soudain si proches de leurs domestiques hebdomadaires ou des agents de service qui nettoient tôt leurs bureaux le matin.

Les élites avaient réellement de quoi s’inquiéter. On découvrait à cette occasion la débauche sexuelle et le luxe inimaginable d’un homme de gauche pour qui la possession de 7 portables, les suites luxueuses et les grands espaces (plus de 600 m2 loués dans l’urgence) semblaient indispensables à une vie ordinaire. Sur un plateau de TV, même les intellectuels critiques envers la gauche recommandaient la prudence et clamaient à l’instar de Vincent Peillon qu’on pouvait être milliardaire et de gauche. Après tout, sa femme seulement était riche, et puis la fortune avait été acquise honnêtement. Pas de quoi en rougir. Un tel discours décomplexé sur l’argent s’avère stupéfiant. En 2007, Sarkozy le tenait. Il ne faut pas avoir honte d’être très riche disait-il. Certains ne manquaient pas alors de le lui reprocher. Les mêmes qui, aujourd’hui, nous expliquent qu’on peut être milliardaire et de gauche…

Personnellement, j’ai toujours su et pensé qu’on peut être bourgeois et de gauche. C’est, d’ailleurs, une constante de l’histoire de la gauche que de recruter une partie de ses leaders dans les rangs des renégats. Les plus grands hommes de gauche issus de la bourgeoisie ont tous trahi leur classe sociale. Mais bourgeois ne veut pas dire milliardaire. Et c’est là que le bât blesse. Un bourgeois aisé, provincial, peut trahir sa classe. Son mode de vie bourgeois ne frôle pas l’indécence économique. L’écart avec les classes populaires n’a rien d’abyssal. En revanche, un milliardaire qui reste milliardaire trahira difficilement ses intérêts matériels. Peut-être fera-t-il la mendicité, s’il a un peu de coeur, en finançant quelques projets et bonnes oeuvres ou en votant quelques lois symboliques destinées à égratigner le système pour mieux le préserver. Dans un pays très pauvre et très injuste c’est, certes, déjà un progrès, mais ailleurs? Les sphères des trop riches et des pauvres ne se croisent jamais, elles sont, par ailleurs, trop antagonistes.

Et puis boum ! Second séisme. Le 1er juillet 2011. Un coup de balancier, en fait. On passerait un peu vite du coupable à l’innocent aux mains blanches… et seulement baladeuses. Attention au retour, cependant, puisque la vie réserve des surprises.

L’accusatrice de DSK aurait menti sur le motif de son asile politique aux USA. Mince, tous les demandeurs d’asile ne disent pas la vérité ! Certains arrangent leur version des faits pour obtenir un droit d’entrée. Quelle surprise ! En plus, cette femme serait impliquée dans des activités liées à la drogue et de prostitution, afin d’arrondir grassement ses fins de mois. Elle possèderait 5 portables, moins que notre DSK national. Une affaire de jalousie sans doute. Une grenouille qui voulait devenir aussi grosse que le bœuf…

Une criminelle par association et une menteuse. Voilà les accusations qui désormais pèsent sur elle. Une fille intéressée, une prostituée, qui aurait même appelé un prisonnier, pour discuter de l’aspect lucratif du forfait. Rien à voir avec la femme modèle, l’immigrée laborieuse et honnête. La réalité est toujours plus complexe, faut bien le dire. Au fond, quelque chose de surprenant, mais qui n’a rien d’improbable. Le plus intéressant, en l’occurrence, tient surtout à la défaillance de la police et de la justice américaines, poussées par les médias. Quand les institutions font des bourdes, volontairement ou non…

Tout va, semble-t-il, bien finir. On ne l’attendait plus. Car ce qui importe pour une partie de nos élites ce n’est pas cette débauche d’argent révélée par cette affaire de la part d’un homme censé représenter la gauche, ni le fait qu’il ait couché au pays des puritains avec cette femme douteuse alors qu’il se savait surveillé de près par ses ennemis politiques et connu pour ses penchants libidineux, à la veille d’une réunion cruciale pour l’avenir de la Grèce – un geste d’une grande irresponsabilité en vérité, qui vaut bien les coups de sang de Sarkozy – non, ce qui compte c’est qu’il soit RE-HA-BI-LI-TE! On respire ! Avec les récentes affaires sexuelles , les rumeurs, les scandales financiers, il y avait trop de discrédit sur cette caste politico-médiatique. Fallait un truc comme ça pour redorer son blason. Le « tous pourris » faisait peur! On agitait déjà, par le biais de sondages, le spectre terrifiant du Front national au second tour. 

Ce qui s’est réellement passé dans cette chambre, hormis un rapport sexuel avéré, gardera probablement un peu de son mystère. Peu importe. Petit à petit, au son d’un grand soupir de soulagement chez une partie de nos élites, nous revenons sagement dans le meilleur des mondes possibles. Depuis quelques heures, le système judiciaire américain est même redevenu, pour certains, équitable, malgré ses défaillances et ses dysfonctionnements. D’autres souhaiteraient carrément que DSK soit toujours candidat. Décidément, il faut vraiment le sauver ce soldat-là.