Archives de Tag: extrême droite

Des « guerres » civiles ?

Par défaut

Dieu que ca souffle fort dans les chaumières du Gauchistan ou, pour le dire autrement, au pays de la Gauche caviar, morale, libérale, voire radicale avec son extrême gauche! Cela étant, en Droitistan aussi, on s’agite du bocal… Une bagarre entre jeunes militants d’extrême gauche et skinheads qui tourne à la tragédie et nous voilà partie, il y a quelques temps à peine, pour une tempête médiatico-politique! Certes, l’Europe vire à droite et certaines positions idéologiques se durcissent. En France, le climat social est à vif, même si l’Etat providence contribue à atténuer encore et toujours les tensions. Pour autant, peut-on voir dans la triste mort de ce jeune étudiant anti fasciste le symbole de la lutte héroïque entre une jeunesse engagée dans un combat farouche face à la montée inquiétante du populisme et de l’infâme extrême droite ? Ce serait bien commode en vérité ! Faute d’idées et de vouloir (se) poser les bonnes questions, la Gauche, ou plutôt les gauches, se cherchent des combats faciles en s’appuyant sur une vision tronquée et manichéenne du monde. C’est la politique de la diversion à l’ère de la communication de masse qui permet de combler, l’air de rien, la vacuité politique tout court et atteste que le soi-disant peuple (des militants) de gauche a surtout envie de se raconter des histoires à lui-même. Pourvu que la Droite se radicalise encore et que les fascistes soient plus nombreux et plus violents! C’est à peine si certains bien-pensants médiatiques ne le pensent pas très fort!

Des « guerres » civiles en France, cependant, il en existe bel et bien. Et de plusieurs sortes. Quand je parle de «guerres», au sens figuré, j’entends par là des conflits ou des tensions susceptibles de s’exacerber et qu’on ne pourra plus passer sous silence.

Il y a d’abord la « guerre » civile entre les gens du Gauchistan et ceux du Droitistan, évoquée ci-avant. Avec, d’un côté, une partie de la droite qui se radicalise et, de l’autre, une gauche bien souvent donneuse de leçons et une extrême gauche presque aussi hystérique que dans les années 1970. En 2007, je me disais que la Gauche pouvait changer, du fait de la victoire écrasante de Sarkozy. La défaite a parfois des vertus inattendues. Perdre ainsi allait, pensais-je, constituer un électrochoc salutaire. Las, la remise en question idéologique de la Gauche s’avère lente, pesante, voire pénible. Déçu une fois de plus je le fus, avec cette triste résignation que l’on a pu ressentir un jour vis-à-vis de certains proches lorsqu’ils sombrent à nouveau et de manière flagrante dans les travers que tout le monde leur reproche, et qui affectent leurs relations aux autres, malgré le fait que l’on se soit épuisé à les convaincre de ne plus se comporter de la sorte, en se disant que cette fois-ci, oh oui cette fois-là, eh bien ce serait la bonne… De plus, la Gauche s’avère incapable d’envisager combien son action idéologique ces dernières années a rendu possible l’émergence de ce qu’elle nomme aujourd’hui la « droite décomplexée ». En effet, l’existence et l’arrogance de la « pensée unique », cet ordre moral bien pensant incarné par une gauche devenue, par certains côtés, folle, déconnectée des classes populaires, offrent l’occasion d’une résurrection à certains groupes sociaux réactionnaires plus ou moins moribonds ou, en tout cas, bien moins actifs qu’ils ne l’étaient avant guerre (sans compter que cette idéologie bien-pensante finit par exaspérer au-delà des cercles conservateurs habituels).

Il y a ensuite la « guerre » larvée entre les classes et entre les générations. Mais, là, tout se brouille. L’Etat providence complique la visibilité des lignes de force et l’interdépendance entre les groupes sociaux (voir plus bas dans ce blog : Eté 36, c’est pour demain ?). Dans chaque milieu socioprofessionnel on trouve ainsi des exploiteurs, des profiteurs, des exploités, des rentiers et des contributeurs. Dans de nombreuses familles il y a des gens exposés et des gens protégés (voir plus bas dans ce blog : Les inégalités de situation et Grandes rivières et petits ruisseaux). Et pi certaines frontières sociales sont devenues poreuses. Bien sûr, on voit bien que les corporatismes se battront, tandis que l’Europe exige de la rigueur et que la situation financière de la France se dégrade, car à celui qui possède, même un peu, on ne peut reprendre en douceur. Des frictions, peut-être, sont aussi à prévoir entre les corporatismes et le reste de la société excédé par les mouvements sociaux et les grèves, en dépit des discours de justification de l’extrême gauche qui ne voit dans les « attaques » contre le « service public » qu’un complot néolibéral. La possible débandade et les conflits de classe dépendront, en fait, de la manière dont le gouvernement gèrera la situation et répartira les efforts et les restrictions en cas de dégradation brutale ou durable de l’économie.

Il y a, enfin, la « guerre » qui découle de la « diversité » à la française. Il faudrait, en effet, regarder de près les relations raciales et non plus simplement interpréter les difficultés avec la jeunesse d’origine immigrée comme un problème socio-économique et de racisme. Des intellectuels américains souvent atypiques et pragmatiques entreprirent à Chicago, il y a un siècle environ, des études empiriques sur les relations raciales. Pour ces chercheurs, le terme de race prenait une signification sociale et non biologique : appartenaient à une race ceux qui pensaient en faire partie et dont les autres disaient qu’ils en faisaient partie. Chef-d’œuvre de pertinence et de simplicité, cette définition fleurerait bon le scandale si les sociologues français l’utilisaient abondamment alors que certains ne veulent voir dans le terme de race qu’une connotation infamante renvoyant aux heures les plus sombres de l’histoire européenne.

Mon cher Christobal, me direz-vous, pourquoi donc étudier les relations raciales comme les Américains alors que la France ne ressemble en rien aux Etats-Unis ? Mais tout simplement mes petits amis parce que la France se diversifie davantage et parce qu’une certaine forme de communautarisme se développe. De fait, on peut s’attendre à voir s’accroitre, dans une certaine mesure, les tensions entre minorités, en plus de celles déjà existantes entre certains (jeunes) d’origine immigrée et le reste de la société française perçue par ceux-ci comme responsable de tous leurs maux (perception en partie alimentée par la « repentance » dont la Gauche morale se délecte).

Soit dit en passant, le racisme entre minorités me paraît bien peu abordé alors qu’il n’a rien d’exceptionnel, bien au contraire. J’eus l’occasion de le constater à Marseille, Lille et Paris, villes dans lesquelles je vécus et où je côtoyais certains milieux populaires. Las, paraît qu’une collection d’anecdotes, c’est pas comme une collection de papillons pour le naturaliste! Ca n’a souvent rien de sci-en-ti-fi-que aux yeux d’un chercheur en sciences sociales patenté ou d’un expert des problèmes politiques et sociaux faisant autorité.

Certes, les rapports raciaux ne se résument pas exclusivement à des tensions, ils passent aussi par une cordialité, une solidarité, etc., bien réelles et relativement répandues. Souvent les aspects positifs et pacifiques des relations raciales s’expriment dans un contexte de proximité de classe et sur la base d’un partage de valeurs élémentaires qui valorisent un certain genre de vie. C’est peut-être une des leçons qu’il faut tirer du film Gran Torino de Clint Eastwood : ce qui sépare ou rapproche les communautés tient plus au genre de vie adopté ou au partage de certaines valeurs fondamentales (par exemple : goût de l’effort au travail malgré l’adversité économique, politesse, etc.), qu’aux différences culturelles les plus manifestes (langue, coutumes, culte religieux, etc.). Faut dire que les Ricains, eux, savent plus souvent aborder intelligemment les relations raciales dans certains de leurs films! Fièvre à Colombus université, Collision… Sans compter certains films de Spike Lee. De quoi vous faire cogiter!

En France, de nombreux sociologues et experts sont à côté de la plaque en faisant du racisme de la société française, sur lequel des tonnes d’encre ont été versées, un problème central. Ils se trompent de cible (voir plus bas dans ce blog : Le Procès). D’ailleurs, on serait bien inspiré d’étudier l’antiracisme actuel – qui rend de fiers services à l’exaspération et au racisme populaires, il faudra en remercier la Gauche un de ces jours – en tant que problème sociologique et idéologie.

Souvent aveuglés par leur hypocrite culpabilité post coloniale et persuadés que la société doit s’adapter à l’individu ou bien s’appuyant, pour certains, sur une conception éducative et égalitariste qui ne voit dans la sanction et la contrainte qu’une forme de domination à dénoncer, ces intellectuels paraissent incapables d’imaginer et de proposer de nouvelles explications concernant ce que l’on nomme pudiquement le problème des banlieues. Pourtant, indépendamment des inégalités sociales, se pose, me semble-t-il, la question du rôle de l’éducation, entendue au sens large (parents, école, groupe de pairs, monde du travail, exemple donné par les élites et valeurs promues par les médias, etc.), ainsi que du contrôle social, dans ses aspects positifs (encouragements) autant que négatifs (sanctions), mais nécessaires, pour rendre compte du comportement d’une partie de la jeunesse. Partir de l’idée de l’oppression et de la domination m’a, en effet, toujours paru une erreur de raisonnement avec la société française – sans pour autant l’idéaliser loin s’en faut – que beaucoup d’experts se refusent à examiner sous tous les angles. Je préfère de loin me demander ce que celle-ci facilite ou non, ce qu’elle permet ou ne permet pas de faire, ce qu’elle encourage et les limites qu’elle pose vraiment aux individus en termes de comportement et de vie matérielle. Commencer par regarder le monde en détail avant de lui appliquer un schéma ou des enquêtes biaisées dont on devine les résultats d’avance, telle est la voie à suivre, me semble-t-il.

Conflits idéologiques, conflits de classes et/ou intra classes, conflits de générations, conflits ethnico-religieux, mais aussi alliances de circonstances et solidarités nouvelles, forces centrifuges et forces centripètes… Le 21ème siècle en France sera bouillonnant, passionnant, peut-être terrible (espérons que non), surprenant… ou ne sera pas!